Page:Tolstoï - Histoire d’un pauvre homme.djvu/112

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Toujours pas de réponse et, seule derrière la cloison, le chuchotement continuait.

« Oui, c’est un homme », songea la jeune femme, cherchant à retirer sa bottine pleine d’eau.

N’arrivant à aucun résultat, l’aventure lui parut drôle. Elle riait tout doucement, mais sachant qu’il pourrait entendre et que son rire pouvait agir sur lui dans le sens désiré, elle l’exagéra. Et les éclats gais, naturels et bons retentirent dans la petite pièce, agissant exactement comme elle l’avait prévu.

— Oui, on peut aimer un homme pareil. Ses yeux et ce visage si simple et si noble et, malgré toutes les prières, si passionné. On ne nous trompe pas, nous autres femmes. Je l’ai déjà compris quand il s’approcha de la vitre. Il m’avait vue, comprise et connue. Quelque chose brilla dans ses yeux, il m’aima alors et me désira.

Étant enfin parvenue à retirer sa bottine, elle voulut faire de même de son bas. Mais, pour cela, il aurait fallu soulever les jupes. Elle eut honte.

— N’entrez pas ! cria-t-elle.

Aucune réponse ne vint interrompre le chuchotement égal.

« Il prie, pensa-t-elle ; mais, en même temps, il pense à moi comme je pense à lui. Il pense à mes pieds.

Elle retira ses bas mouillés et ses pieds nus vinrent se blottir sur la couche. Elle resta ainsi quelque temps, les mains sur les genoux et, toute songeuse, regardant devant elle. « C’est un désert, un silence… Et personne ne saurait jamais… »

Elle se leva, et ses bas suspendus près du poêle,