Page:Tolstoï - Histoire d’un pauvre homme.djvu/142

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verre d’eau froide donné sans attente de récompense, vaut infiniment mieux que tous les bienfaits que je croyais prodiguer au monde. »

Puis il se demanda : « Mais est-ce que, tout de même, il n’y avait pas en moi une petite graine de désir sincère de servir Dieu ? » Et une voix intérieure lui répondit : « Oui, c’est vrai, mais ce désir s’est trouvé si souillé, si recouvert du désir des éloges du monde ! Il n’y a point de Dieu pour l’homme qui désire les éloges du monde. Il faut maintenant que tu te mettes en quête de Dieu ! »

« De la même façon qu’il était venu vers Pachinka, il se mit à aller de village en village, rencontrant d’autres pèlerins, puis les quittant et mendiant son pain ; ainsi qu’un abri pour la nuit, au nom du Christ. Parfois, un paysan ivre l’insultait, parfois une ménagère bourrue le rudoyait ; mais le plus souvent on lui donnait à manger et à boire. Beaucoup des paysans étaient même particulièrement bien disposés envers lui, en raison de sa noble apparence. Il est vrai que d’autres, çà et là, semblaient se réjouir de voir un noble réduit à la misère. Mais sa parfaite douceur avait raison de toutes les préventions élevées contre lui.

Il lui arrivait souvent de trouver une Bible, dans une des maisons où il était accueilli. Il se mettait alors à en lire tout haut des passages ; et toujours ses hôtes l’écoutaient avec ravissement, s’étonnant que des choses qui leur étaient familières leur parussent nouvelles.

S’il réussissait à rendre service d’une manière quelconque, soit en donnant un conseil, soit en apaisant une dispute, ou encore au moyen de son habileté à