Page:Tolstoï - Histoire d’un pauvre homme.djvu/211

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— Pourquoi ne m’as-tu pas répondu tout de suite ?

— Je dormais, répondit-il.

Au son de sa voix, elle comprit qu’il souriait.

— Faut-il sortir ? demanda-t-il.

— Non. Le cosaque est toujours là, répondit-elle en regardant le soldat couché sur la voiture voisine.

Chose étrange, le cosaque ronflait, mais ses bons yeux bleus étaient ouverts. Il la regardait et ce n’est qu’après avoir rencontré son regard qu’il ferma ses paupières.

— Il m’a semblé qu’il ne dormait pas, se dit Albine. Je me serai trompée, pensa-t-elle en se tournant vers la caisse.

— Souffre encore un peu, dit-elle. Veux-tu manger ?

— Non, je préférerais fumer.

Albine regarda encore le cosaque. Il dormait.

— Je vais chez le gouverneur, dit Albine. Bonne chance.

Et la jeune femme sortit des vêtements de la malle et rentra dans sa chambre.

Vêtue de sa plus belle robe de veuve, elle traversa la Volga sur un bac et, ayant appelé une voiture, se fit conduire chez le gouverneur qui la reçut immédiatement. La belle et souriante veuve, qui parlait très bien français, plut beaucoup au vieux gouverneur qui voulait faire le jeune. Il lui permit tout ce qu’elle voulut et la pria de revenir le lendemain afin qu’il lui délivrât un ordre pour le chef de police à Tsaritzine.

Tout heureuse des résultats de sa démarche, ainsi que de l’action de sa beauté qu’elle avait pu consta-