Page:Tolstoï - Histoire d’un pauvre homme.djvu/25

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— Est-ce une grande somme ? demanda sa femme.

— Quatre cent soixante-deux roubles, répondit Polikei d’un air indifférent.

Elle secoua la tête.

— Quand y vas-tu ?

— Elle m’a ordonné d’y aller demain. « Prends, a-t-elle dit, le cheval que tu voudras… va au comptoir demander les ordres de l’intendant, et que Dieu t’accompagne. »

— Que Dieu soit loué, dit Akoulina avec ferveur. Que Dieu te protège, Polikei, ajouta-t-elle à voix basse, pour ne pas être entendue des voisins. Illitch, écoute-moi, au nom du Christ, je te supplie de me promettre que tu ne boiras pas une seule goutte d’eau-de-vie.

— Voyons, voyons, est-ce qu’on boit quand on a une somme pareille, dans sa poche ? lui répondit-il en ricanant. Si tu avais entendu comme on jouait du piano, là-bas, je ne te dis que cela, continua-t-il d’un ton calme. Ça doit être Mademoiselle. J’étais là devant Madame comme un piquet, et derrière la porte de sa chambre on entendait Mademoiselle jouer. Cela m’a donné envie ; si j’avais eu l’occasion, je l’aurais appris moi aussi ; tu sais que je suis un malin… Il me faudra une chemise propre pour demain.

Et ils se couchèrent heureux et contents.