Page:Tolstoï - Histoire d’un pauvre homme.djvu/33

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

ou quatre cents roubles. J’achèterai pour toi un remplaçant superbe.

— Au gouvernement ? dit Doutlof.

C’est ainsi que les paysans désignent les chefs-lieux du gouvernement.

— Eh bien, l’achètes-tu ?

— J’aurais bien voulu, Dieu le voit, mais…

— Eh bien, écoute-moi, mon vieux, fais bien attention qu’il n’arrive rien à Iliouchka. Aussitôt que je l’enverrai chercher, il faudra qu’il soit prêt. C’est toi qui me réponds de lui, et s’il lui arrive malheur, c’est ton fils aîné qui sera désigné à sa place. Tu m’entends bien ?…

— Est-ce qu’on ne pourrait pas chercher parmi les familles qui ont deux garçons, recommença le vieux. Pensez donc, mon frère est mort à l’armée, et maintenant on prend son fils. Pourquoi nous persécute-t-on ? continua-t-il, les larmes aux yeux, prêt à se jeter aux pieds de l’intendant.

— Allons, va-t’en, laisse-moi tranquille. On ne peut faire autrement. Et fais bien attention : tu me réponds d’Iliouchka.

Doutlof s’éloigna tête baissée.