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Page:Tolstoï - Histoire d’un pauvre homme.djvu/8

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mage, madame. Ils ne sont ni mes parents, ni mes compères, et ils ne m’ont rien donné pour prendre leur parti.

— Mais j’en suis sûre, Iégor, interrompit sa maîtresse, en se disant qu’il avait été corrompu par les Doutlof.

— C’est la meilleure famille de tout Pokrofski, tous des gens laborieux, pieux. Le vieux est marguillier à l’église depuis trente ans. Il ne boit jamais et se garde bien de prononcer une mauvaise parole. Il est toujours assidu à l’église. (Iégor savait bien ce qu’il fallait dire à sa maîtresse pour l’influencer.) Et surtout, madame, je dois vous rappeler qu’il n’a que deux fils. Les autres sont des neveux qu’il a recueillis. Si l’on voulait être juste, on aurait dû le mettre sur le même rang que les autres familles qui n’ont que deux fils. Faudrait-il que ce pauvre homme soit puni pour sa vertu ?

La pauvre maîtresse finit par ne plus rien comprendre. Elle écoutait le son de la voix sans saisir le sens des paroles. Au désespoir, elle examina les boutons de la longue redingote de son intendant.

— Le bouton supérieur se boutonne plus rarement que l’inférieur, qui risque de tomber et que l’on aurait dû recoudre depuis longtemps, pensait-elle.

On sait depuis longtemps qu’il n’est pas du tout nécessaire pour soutenir une conversation d’écouter son interlocuteur et il suffit de bien savoir ce que l’on veut dire soi-même.

C’était aussi l’opinion de la maîtresse d’Iégor.

— Comment ne peux-tu pas comprendre encore que je ne veux pas du tout le malheur de ces pauvres Doutlof. Tu me connais assez, il me semble,