Page:Tolstoï - Histoire d’un pauvre homme.djvu/98

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Il se tenait ainsi, tantôt se prosternant, tantôt se signant, quand il le fallait, et luttait avec lui-même, s’adonnant parfois à un jugement clair et sévère, et parfois ne voulant que tuer en lui pensées et sentiments. Soudain le père Nicodime, le sacristain, un autre objet de tentation pour Serge qui le soupçonnait de flatterie, s’approcha de lui et plié respectueusement en deux, l’avertit que le supérieur l’appelait à l’autel. Le père Serge rectifia les plis de sa robe, se coiffa de son capuce et traversa avec précaution la foule.

Lise, regarde à droite, c’est lui[1], disait une voix féminine.

Où ? où ? Il n’est pas tellement beau.

Il savait qu’on parlait de lui et, comme aux moments difficiles, il répétait les mots : ne nous laissez pas succomber à la tentation. La tête et les yeux baissés, il passa devant la chaire et, côtoyant les servants en dalmatique qui défilaient à ce moment devant l’iconostase, il entra par la porte du nord. Pénétrant dans l’autel, plié en deux, il se signa suivant le rite devant l’icone, puis il leva la tête et regarda le supérieur qu’il vit aux côtés d’un autre personnage tout étincelant de décorations et de galons. Le prêtre était debout près du mur et de ses petites mains potelées appuyées sur son gros ventre, caressait les broderies de sa chasuble. Il souriait tout en causant avec un militaire qui portait l’uniforme de général de la suite, avec des aiguillettes et les épaulettes ornées du chiffre que l’œil habitué du père Serge distingua aussitôt. Ce général

  1. En français dans le texte.