Page:Tolstoï - Histoire d’un pauvre homme.djvu/99

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était l’ancien chef de son régiment. Maintenant il occupait certainement une très haute situation et le père Serge remarqua, au gros visage rouge du supérieur, que celui-ci le savait. Cela l’offensa et l’attrista. Ce sentiment grandit encore quand il entendit le supérieur affirmer qu’il l’avait fait venir pour satisfaire au désir qu’avait formulé le général de voir son ancien compagnon d’armes.

— Je suis très heureux de vous voir sous cet aspect angélique, dit le général en tendant la main ; j’espère que vous n’avez pas oublié votre vieux camarade.

Le visage du supérieur, rouge et souriant, sous les cheveux blancs, qui semblait approuver les paroles du général ; la figure de celui-ci avec son expression de satisfaction ; l’odeur du vin qui sortait de sa bouche et celle du cigare qui stagnait…

— Je suis très heureux de vous voir sous cet habit, Serge. Il salua encore le supérieur et dit :

— Votre Révérence a daigné m’appeler.

Il s’arrêta et l’expression de sa figure et de ses yeux avait l’air de poser la question :

— Pourquoi ?

Le supérieur répondit :

— Mais pour voir le général.

Le moine pâlit et ses lèvres tremblèrent.

— Votre Révérence, j’ai quitté le monde pour me sauver des tentations, dit-il. Pourquoi m’y soumettez-vous dans le temple du Seigneur et aux heures des prières ?

— Allons, va-t-en, grogna le prêtre.

Le lendemain, le père Serge demanda pardon de son orgueil au supérieur et à toute la communauté. Mais, en même temps, après une nuit passée en prière,