Page:Tolstoï - La Sonate à Kreutzer trad Halpérine.djvu/213

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d’autres désirent, que ce musicien aussi ?… Il est célibataire, robuste — j’avais vu comme il brisait avec ses dents l’os d’une côtelette et comme il trempait avidement dans le vin ses lèvres rouges. — Bien nourri et de bonnes manières, s’il a un principe, c’est évidemment celui de n’éviter aucune jouissance. — La musique, cet excitant raffiné de la volupté, est un lien entre eux.

Qu’est-ce qui le retiendrait ? Rien. Tout l’attire au contraire. Et elle ? Elle est, comme elle a toujours été, une énigme restée indéchiffrable pour moi. Je ne connais d’elle que sa nature animale, et un animal ne peut ni ne doit se retenir et être retenu.

Je me rappelai alors l’expression de leur physionomie quand, après la Sonate à Kreutzer, il avait joué un morceau passionné de je ne sais plus qui, un morceau sensuel à l’excès.