Page:Tolstoï - La Sonate à Kreutzer trad Pavlovsky.djvu/187

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étrange, une force occulte, fatale, me contraignait à ne pas le repousser, à ne pas l’éloigner, mais au contraire à le laisser approcher. Qu’est-ce qui eut été plus simple que de s’entretenir quelques minutes avec lui, de le congédier froidement, sans le présenter à ma femme ? Mais non, comme exprès, je mis la conversation sur son jeu de violoniste ; et il répondit que, contrairement de ce que j’avais entendu dire, il jouait maintenant du violon plus qu’auparavant. Il se rappelait que jadis je jouais. Je répondis que j’avais abandonné la musique, mais que ma femme jouait fort bien.

Chose singulière ! Pourquoi, dans les événements importants de notre vie, dans ceux où le sort d’un homme se décide, comme il s’est décidé en ce moment pour moi, pourquoi dans ces événements n’y a-t-il ni passé ni futur ? Mes relations avec Troukhatchevsky le premier jour, à la première heure, furent telles qu’elles auraient pu être après tout ce qui est arrivé. J’avais la conscience d’un effroyable malheur devant se