Page:Tolstoï - Le Faux Coupon et autres contes.djvu/111

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visiter les mines. Le directeur lui proposa de prendre pour l’accompagner le forçat Stepan Pelaguschkine.

— Comment, un forçat ? N’est-ce point dangereux ?

— Avec celui-ci, pas de danger. C’est un saint. Demandez à n’importe qui.

— Mais pourquoi a-t-il été envoyé ici ?

Le directeur sourit.

— Il a tué six personnes. Mais c’est un saint. Je me porte garant pour lui.

Mitia Smokovnikoff accepta donc Stepan, chauve, maigre, bruni, et partit avec lui.

En route, Stepan soignait tout le monde et surtout Smokovnikoff. Il lui raconta toute son histoire, comment il vivait maintenant, et pourquoi.

Et, chose étonnante, Mitia Smokovnikoff qui, jusqu’à ce jour, n’avait vécu qu’en buvant, mangeant, jouant aux cartes, pour la première fois se mit à réfléchir sur la vie ; et ces pensées ne le quittaient plus et bouleversaient son âme de plus en plus. On lui proposa une place qui comportait de gros appointements, il la refusa et résolut d’acheter avec ce qu’il possédait une propriété, de se marier, et, dans la mesure de ses forces, de servir le peuple.


XIX


Ainsi fit-il. Mais auparavant, il alla chez son père, avec qui il était en mauvais termes à cause d’une nouvelle famille que son père avait installée. Il avait résolu de se rapprocher de son père, et il le fit. Celui-ci, étonné, d’abord se moqua de lui, ensuite il cessa de se moquer, se rappelant plusieurs cas où il avait été coupable envers son fils.