Page:Tolstoï - Le Père Serge et autres contes.djvu/17

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

IO LE PERE SERGE devoir enfreindre la volonté de défunt son mari, qui avait recommandé, en cas de sa mort, de ne pas garder son fils à la maison, mais de l’envoyer au Corps des Cadets. Et elle l’y en- voya. Quant à la veuve, elle se rendit à Pétersbourg avec sa fille Varvara, afin de vivre là où était son fils et de l’avoir près d’elle les jours de sortie. L’enfant était brillamment doué et avait beau- coup d’amour-propre, aussi était-il le premier en tout, surtout en mathématiques, pour lesquelles il avait des dispositions particulières, ainsi que pour les exercices militaires et l’équitation. Malgré sa taille bien au-dessus de la moyenne, il était beau et agile, Outre cela, par sa conduite, il eût été un élève modèle, s’il n’avait eu contre lui son emportement. Il ne buvait pas, ne faisait pas la noce, et était remarquablement loyal. La seule chose qui empêchait d’être un modèle tout à fait parfait c’étaient les accès de colère qui le prenaient par moments, et au cours desquels il perdait com- plètement possession de soi—même et devenait une véritable brute. Une fois, il avait failli jeter par la fenêtre un cadet qui s’était moqué de sa collection de minéraux. Une autre fois il se jeta sur un officier, et on disait qu’il l’avait frappé, parce que celui-ci niait ses propres paroles et disait un men- songe. Il eût été sûrement dégradé si le Directeur du Corps n’avait étouffé l’affaire et renvoyé l’officier. A dix-huit ans, il sortit officier et entra dans le régiment aristocratique de la garde. l'empereur Nicolas Pavlovitch l’avait vu quand il était au Corps, et le distingua au régiment ; de sorte qu`on lui prédisait qu’il deviendrait aide de camp de