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Page:Tolstoï - Le Patriotisme et le gouvernement.djvu/27

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effrontés que les autres ou qui sont les héritiers accidentels de ces hommes plus insolents et plus effrontés.

Aujourd’hui c’est Boris Godounoff, demain c’est Grigoriy Otrépyeff ; aujourd’hui c’est la débauchée Catherine qui a fait étrangler son mari par ses amants, demain c’est Pougatcheff, après-demain le fou Paul, Nicolas Ier, Alexandre III

Aujourd’hui c’est Napoléon, demain c’est le Bourbon ou d’Orléans, Boulanger ou la compagnie des Panamistes ; aujourd’hui c’est Gladstone, demain c’est Salisbury, Chamberlain, Rhodes…

Et c’est à de tels gouvernements qu’on remet le pouvoir absolu, non seulement sur les biens et sur les vies, mais aussi sur le développement intellectuel et moral, sur l’éducation, sur la direction religieuse de tous les hommes !

Ainsi les hommes se créent une terrible machine de pouvoir, laissant au premier venu la liberté de s’en emparer (et toutes les chances sont pour l’homme placé moralement le plus bas), et ils se soumettent servilement et s’étonnent que tout va mal. On a peur des mines, des anarchistes, mais on n’a pas peur de cette terrible organisation qui menace à chaque instant des plus grandes calamités.

Les hommes ont trouvé que pour se défendre contre leurs ennemis, il leur est utile de se lier eux-mêmes, comme le font les Circassiens quand ils se défendent. Et quoique il n’y ait aucun danger, les hommes continuent à se lier.