Page:Tolstoï - Le Patriotisme et le gouvernement.djvu/38

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Mais lors même qu’on admet que des troubles et des collisions internes résulteraient de l’absence des gouvernements, la condition des peuples serait meilleure qu’elle ne l’est à présent. La condition des peuples est actuellement telle, qu’il est difficile de se représenter qu’elle puisse empirer. Tous les peuples sont ruinés, et la ruine doit aller inévitablement en s’aggravant. Tous les hommes sont réduits en esclaves militaires et doivent à chaque moment attendre l’ordre d’aller tuer et d’être tués. Qu’y a-t-il à attendre encore ? Que les peuples ruinés disparaissent par la famine ? Cela commence déjà en Russie, en Italie et aux Indes. Où qu’on prenne, outre les hommes, les femmes comme soldats ? Au Transvaal même cela commence.

De sorte que, si même en effet l’absence des gouvernements signifiait l’anarchie dans le sens négatif et déréglé de ce mot (ce qu’il ne signifie point) — même en ce cas aucun désordre dû à l’anarchie ne pourrait être pire que cette situation à laquelle les gouvernements ont déjà réduits leurs peuples et les réduisent de plus en plus.

Et, par conséquent, la délivrance du patriotisme et l’abolition du despotisme des gouvernements, qui est basée là-dessus, ne peut pas ne pas être utile aux hommes.