Page:Tolstoï - Le Prince Nekhlioudov.djvu/153

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tante ! elle au moins t’a écrit la vérité.

Ces réflexions de la niania avaient accru la tristesse de Nekhlioudov. Inconsciemment, sa main droite se leva de dessus son genou, et, paresseusement, alla frapper le clavier. Un accord se produisit, puis un second, puis un troisième… Nekhlioudov s’approcha alors tout à fait du piano, ôta son autre main de sa poche et se mit à jouer. Les accords qu’il plaquait étaient improvisés, irréguliers, souvent simples jusqu’à la banalité, ne dénotant, d’ailleurs, aucun talent musical. Telle quelle, cette occupation lui procurait une joie infinie, mélangée de tristesse cependant. À chaque nouvel accord, il attendait, le cœur serré, les sons qui devaient suivre et complétait ensuite l’improvisation. Il lui semblait alors entendre des mélodies par centaines, puis des chœurs, puis un orchestre, le tout en harmonie avec ses pen-