Page:Tolstoï - Le Prince Nekhlioudov.djvu/163

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tible besoin d’exprimer, de n’importe quelle manière, les sentiments désordonnés et indéfinissables qui s’agitaient en moi, remplit mon âme. J’aurais voulu étreindre quelqu’un, l’étreindre fortement, le chatouiller, le pincer, faire, en un mot, une extravagance quelconque.

Il était sept heures du soir. Une nuit sereine succédait à une journée pluvieuse. Le lac était bleu comme une flambée de phosphore, çà et là parsemé de points noirs…, c’étaient les bateaux derrière lesquels un sillage élargissait ses scintillements pour aller se perdre dans ce bleu immobile, uni comme un miroir, borné de rives inégales, verdoyantes, et qui s’étendait dans le lointain, se resserrant entre deux rocs contre lesquels il semblait s’appuyer pour s’assombrir peu à peu, puis disparaître au milieu de montagnes entassées dans un chaos gran-