Page:Tolstoï - Le Prince Nekhlioudov.djvu/189

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on les sentait pénétrés du sentiment que cela devait être ainsi et non autrement, que le portier poli, le lit propre et doux étaient faits pour eux seuls. Cela me frappa et je ne pus me défendre de les comparer au chanteur ambulant, fatigué, affamé, qui se sauvait, plein de honte, devant la foule railleuse, et je compris ce qui pesait sur mon cœur comme une lourde pierre, et j’éprouvai un inexprimable sentiment de colère contre ces gens. Avec satisfaction, je passai deux fois à côté de l’Anglais, en affectant à chaque fois de ne point m’écarter et de le heurter du coude. Puis, je descendis le perron et je courus dans la nuit, vers la ville, avec l’idée de rejoindre notre virtuose.

Je rencontrai un groupe de trois hommes et leur demandai où était le chanteur. Ils me le montrèrent au loin, en riant. Il marchait seul à grands pas, personne ne l’ap-