Page:Tolstoï - Le Prince Nekhlioudov.djvu/194

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dessin très pur, se plissait aux coins. Il portait de petits favoris noirs, très courts. Ses vêtements, malpropres et en loques, son visage basané lui donnaient l’air d’un homme de peine. On l’eût pris, en réalité, plutôt pour un pauvre que pour un artiste, sans un je ne sais quoi d’original et de touchant qui se lisait dans ses yeux humides et brillants et dans les coins plissée de sa bouche. À première vue, on eût pu lui donner indifféremment vingt-cinq ou quarante ans. En réalité, il en avait trente-huit.

Voici ce qu’il m’apprit sur sa vie, et j’ai tout lieu de croire qu’il était sincère, tant il mettait à son récit de simplicité émue. Il était du canton d’Argovie. Dans son enfance, il perdit son père et sa mère. Il n’avait pas d’autres parents et ne possédait rien. Il apprit le métier d’ébéniste, mais à vingt-deux ans une carie de l’os du poignet droit le