Page:Tolstoï - Le Prince Nekhlioudov.djvu/197

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— Si j’avais quelque chose, marcherais-je comme je le fais ? reprit-il. Je vais dans mon pays, parce que quelque chose m’y attire.

Et, avec un sourire fin, il répéta sa phrase :

— Oui, le sucre est bon.

Les laquais, très égayés de la réflexion du chanteur, riaient à gorge déployée. La bossue ne riait pas ; elle regardait le petit bonhomme de ses grands yeux doux ; très sérieuse, elle alla ramasser le chapeau qu’il avait laissé tomber pendant la conversation et le lui tendit. J’avais souvent observé que les chanteurs ambulants, les acrobates et même les faiseurs de tours aiment à se dire artistes ; pour complaire à mon compagnon, je lui donnai ce qualificatif à plusieurs reprises. Mais il ne l’accepta pas, regardant le métier qu’il faisait comme un simple gagne-pain. Quand je demandai s’il composait lui-même ses chansons, il s’étonna de ma ques-