Page:Tolstoï - Le salut est en vous.djvu/148

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en maniant le feu qui dévore les biens, et l’arme qui détruit les vies humaines, ils violent ou non cette loi primordiale qui défend l’homicide, le meurtre, le pillage et l’incendie sans juste cause. Leur conscience est muette là-dessus… La guerre pour eux a cessé d’être un acte relevant de la morale. Ils n’ont pas d’autre joie, dans les fatigues et les périls des camps, que celle d’être vainqueurs, pas d’autre tristesse que celle d’être vaincus…

« Il y a longtemps qu’un puissant génie vous a dit ces paroles devenues proverbiales : « Ôtez la justice, que sont les empires, sinon de grandes sociétés de brigands ? » Et les compagnies de brigands ne sont-elles pas elles-mêmes de petits empires ? Les brigands aussi ont certaines lois ou conventions d’après lesquelles ils se régissent. Là aussi on se bat pour la conquête du butin et pour le point d’honneur de la bande… Aussi, messieurs, ma confiance est grande en vous demandant d’adopter le principe de l’institution proposée (il s’agit de l’institution d’un tribunal d’arbitrage international) afin que les nations européennes cessent d’être des nations de larrons, et les armées des troupes de brigands et de pirates, je dois ajouter : et d’esclaves… Les armées sont des troupeaux d’esclaves, esclaves d’un ou deux gouvernants, d’un ou deux ministres qui disposent d’eux tyranniquement, sans autre garantie qu’une responsabilité qui est purement nominale, nous le savons… Ce qui caractérise l’esclave, c’est qu’il est entre les mains de son maître comme une chose, un outil, et non plus un homme. Ainsi en est-il du soldat, de l’officier, du général, marchant au sang et au feu sans souci de la justice, par la volonté arbitraire des ministres dans les conditions exposées. Ainsi l’esclavage militaire existe, et c’est le pire des esclavages, aujourd’hui sur-