Page:Tolstoï - Le salut est en vous.djvu/149

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tout qu’il met, par la conscription, la chaîne au cou de tous les hommes libres et forts des nations, pour en faire des outils de meurtre, des tueurs de profession, des bouchers de chair humaine, car tel est le seul opus servile en vue duquel ils sont enchaînés et dressés.

« Les gouvernants, au nombre de deux ou trois, un peu plus, un peu moins, réunis dans un cabinet secret, délibérant sans registres et sans procès-verbal destiné à la publicité, parlant sans responsabilité possible… pourraient-ils ordonner ainsi des massacres si la conscience n’était pas éteinte ? »

« Les protestations contre les armements ruineux pour les peuples n’ont pas commencé à notre époque, dit M. E.-G. Moneta. Écoutez ce qu’a écrit Montesquieu dans son temps : « La France (on pourrait aujourd’hui dire l’Europe) périra par le militarisme. Une nouvelle maladie s’est répandue en Europe. Elle a atteint les rois et les force à entretenir des armées innombrables. Cette maladie est infectieuse et, par suite, contagieuse parce que, aussitôt qu’un état augmente son armée, les autres en font autant. De sorte qu’il n’en résulte rien autre chose que la perte de tous. Chaque gouvernement entretient autant de soldats qu’il pourrait en entretenir si son peuple était menacé d’extermination, et les hommes appellent paix cet état de tension de tous contre tous. C’est pourquoi l’Europe est tellement ruinée que, si les particuliers étaient dans la situation des gouvernements de cette partie du monde, les plus riches d’entre eux n’auraient pas de quoi vivre. Nous sommes pauvres en possédant les richesses et le commerce du monde entier. »

« Cela a été écrit il y a presque cent cinquante ans. Le tableau semble fait d’aujourd’hui. Seul le régime gou-