Page:Tolstoï - Le salut est en vous.djvu/202

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laquelle on devait arriver, mais il est aussi la dernière expression de la contradiction intérieure de la conception sociale, contradiction qui s’est révélée lorsqu’il a fallu pour son maintien recourir à la violence.

Dans le service universel cette contradiction est devenue évidente. En effet, le sens de la conception sociale consiste en ce que l’homme, ayant conscience de la barbarie de la lutte entre personnalités et du manque de sécurité, a transporté le sens de sa vie dans l’association des personnalités. Avec le service universel, il arrive que les hommes, ayant fait tous les sacrifices possibles pour éviter les cruautés de la lutte et l’instabilité de la vie, sont appelés quand même à courir tous les dangers qu’ils ont cru éviter, et que, de plus, l’association — état — à laquelle ils ont sacrifié leurs intérêts personnels, court les mêmes dangers de mort qui menaçaient auparavant l’individu isolé.

Les gouvernements devaient éviter aux hommes la lutte entre individus, et leur donner la certitude de l’inviolabilité du régime adopté ; au lieu de cela ils exposent l’individu aux mêmes dangers, avec cette différence qu’à la place d’une lutte entre personnalités du même groupement, c’est une lutte entre groupements.

L’établissement du service universel fait songer à un homme qui, pour que sa maison ne s’écroule pas, la remplirait tellement de supports, d’étais, de poutres et de planches, qu’il ne parviendrait à la maintenir qu’en la rendant absolument inhabitable.

De même le service universel rend nuls tous les avantages de la vie sociale qu’il est appelé à défendre.

Les avantages de la vie sociale consistent dans la sécurité de la propriété et du travail et dans la possibilité d’une amélioration générale des conditions de la vie. Or le service universel détruit tout cela.