Page:Tolstoï - Le salut est en vous.djvu/215

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l’empire romain, il a été bien clair pour la majorité des hommes que ce que Néron ou Caligula regardaient comme mal ne pourrait être considéré comme tel par les autres. Déjà à cette époque on commençait à comprendre que les lois qu’on a fait passer pour divines ont été écrites par des hommes ; que les hommes ne sont pas infaillibles, de quelque autorité extérieure qu’ils soient investis, et que les hommes faillibles ne peuvent pas devenir infaillibles par ce seul fait qu’ils se réunissent en une assemblée à laquelle ils donnent le nom de sénat ou quelque autre analogue. Et c’est alors que le Christ enseignait sa doctrine qui consiste non seulement en ce fait qu’il ne faut pas s’opposer au mal par la violence, mais aussi dans une nouvelle conception de la vie dont l’application à la vie sociale aurait pour résultat de faire disparaître la lutte entre les hommes, non pas en soumettant une partie d’entre eux à des autorités, mais en défendant que les hommes, surtout ceux qui sont au pouvoir, n’emploient la violence contre personne, dans aucun cas.

Cette doctrine n’a été alors acceptée que par un très petit nombre de disciples. La majorité des hommes, et surtout ceux qui étaient au pouvoir, même après l’acceptation nominale du christianisme, ont continué à résister par la violence à ce qu’ils considéraient comme le mal. C’est ainsi que les choses ont continué à se passer sous les empereurs romains et bysantins, et plus tard encore.

L’insuffisance de la définition officielle du mal et de la résistance par la violence, déjà évidente dans les premiers siècles du christianisme, l’est devenue encore plus lors de la division de l’empire romain en plusieurs états d’égale force, et lors de leurs luttes entre eux et de leurs luttes intérieures.