Page:Tolstoï - Le salut est en vous.djvu/274

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provoque de confiance chez les hommes d’une culture inférieure. Ainsi le mouvement s’accélère, s’élargit comme celui d’une boule de neige, jusqu’au moment où toute la masse passe d’un coup du côté de la vérité nouvelle et établit un nouveau régime.

Les hommes qui passent du côté de la nouvelle vérité, arrivée à un certain degré d’extension, le font toujours en masse, d’un coup, comme le lest d’un navire qu’on charge rapidement pour le maintenir en équilibre. S’il n’y avait pas de lest, le navire ne serait pas suffisamment immergé et changerait de position à chaque instant. Ce lest qui semble tout d’abord inutile, est la condition nécessaire de son mouvement régulier et de sa stabilité.

Le même fait se reproduit avec la masse d’hommes qui, non pas un par un, mais toujours d’un coup, sous l’influence de la nouvelle opinion sociale, passent d’une organisation de la vie à une autre. Cette masse, par son inertie, empêche toujours le passage rapide, fréquent, non vérifié par la sagesse, d’une organisation à une autre, et retient pour longtemps la vérité contrôlée par une longue expérience de luttes et entrée dans la conscience de l’humanité.

C’est pourquoi ceux qui disent que puisqu’il a fallu dix-huit siècles pour qu’une infime minorité de l’humanité s’assimilât la vérité chrétienne, il faudra beaucoup, beaucoup de fois dix-huit siècles pour que toute l’humanité s’en pénètre, ce qui nous repousse à un temps si lointain que nous ne pouvons même pas encore y penser, ceux-là se trompent.

Ils se trompent parce que les hommes de culture inférieure, ces peuples que les défenseurs du régime actuel représentent comme l’obstacle à la réalisation du régime chrétien, sont précisément ceux qui passent toujours