Page:Tolstoï - Le salut est en vous.djvu/276

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

pour savoir si l’opinion publique peut ou non remplacer les garanties données par le pouvoir. »

L’écrivain français aujourd’hui oublié, Alphonse Karr, a dit quelque part, en voulant prouver l’impossibilité de la suppression de la peine de mort : « Que messieurs les assassins commencent par nous donner l’exemple. » Bien des fois j’ai entendu répéter cette saillie par des hommes qui croyaient exprimer, par ces paroles, un argument convaincant et spirituel contre la suppression de la peine de mort. Cependant on ne peut pas trouver d’argument meilleur contre la violence des gouvernements.

« Que messieurs les assassins commencent par nous donner l’exemple, » disent les défenseurs de la violence gouvernementale. Mais les assassins disent la même chose, et avec plus de raison. Ils disent : « Que ceux qui ont accepté la mission de nous enseigner, de nous guider, nous montrent l’exemple en abolissant l’assassinat légal, et nous le suivrons. » Et ils disent cela très sérieusement parce que telle est la situation vraie.

« Nous ne pouvons pas cesser d’employer la violence parce que nous sommes entourés de violents. »

Rien, autant que ce raisonnement faux, n’empêche la marche en avant de l’humanité et l’établissement du régime qui correspond à son développement moral actuel.

Ceux qui possèdent le pouvoir sont convaincus que, seule, la violence guide les hommes ; c’est pourquoi ils l’emploient pour maintenir l’ordre de choses existant. Or cet ordre se maintient non pas par la violence, mais par l’opinion publique dont l’action est compromise par la violence. C’est pourquoi l’action de la violence affaiblit ce qu’elle veut précisément maintenir.

Dans le meilleur cas, la violence, si elle ne poursuit