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Page:Tolstoï - Le salut est en vous.djvu/277

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pas le seul but personnel des hommes qui se trouvent au pouvoir, condamne dans une seule forme immobile de la loi ce qui le plus souvent a été depuis longtemps condamné par l’opinion publique, mais avec cette différence que, tandis que l’opinion publique réprouve tous les actes contraires à la loi morale, la loi, maintenue par la violence, ne réprouve et ne poursuit qu’une catégorie fort restreinte d’actes, semblant ainsi justifier tous les actes du même ordre qui ne sont pas englobés par sa formule.

L’opinion publique, déjà depuis Moïse, considère la cupidité, la débauche et la cruauté comme des fautes, et les réprouve. Elle réprouve toutes sortes de manifestations de la cupidité, non seulement l’appropriation du bien d’autrui par la violence ou la ruse, mais encore la jouissance cruelle des richesses ; elle réprouve toutes sortes d’impudicités, que ce soit avec sa maîtresse, son esclave, une femme divorcée ou sa propre femme ; elle réprouve toute cruauté, coups, mauvais traitements, meurtres, non seulement des hommes, mais encore des animaux. Tandis que la loi basée sur la violence poursuit seulement certains cas de cupidité tels que le vol, l’escroquerie, et certains cas de débauche et de cruauté tels que l’infidélité conjugale, l’assassinat, les sévices et par suite semble autoriser tous les cas de cupidité, de débauche et de cruauté, qui ne rentrent pas dans sa définition étroite.

Mais, outre que la violence corrompt l’opinion publique, elle fait naître encore chez les hommes cette conviction funeste qu’ils progressent, non pas sous l’impulsion de la force spirituelle qui les pousse à la connaissance de la vérité et à sa réalisation dans la vie, mais par la violence, c’est-à-dire par ce qui, loin de les rapprocher de la vérité, ne fait que les en éloigner. Cette erreur