Page:Tolstoï - Le salut est en vous.djvu/284

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vit. Mais plus ils avançaient dans la rue au milieu du libre mouvement des hommes sains, plus ils s’intimidaient et se pressaient contre le médecin. Finalement, ils demandèrent tous à retourner à l’hospice, à leur façon de vivre insensée, mais habituelle, à leur gardien, aux coups, à la camisole de force, aux cellules.

De même se pressent et veulent revenir à leur ancienne manière de vivre, à leurs fabriques, à leurs tribunaux, à leurs prisons, à leurs supplices, à leurs guerres, les hommes que le christianisme appelle à la liberté, à la vie de l’avenir, libre et rationnelle.

On se demande quelle sera la garantie de notre sécurité lorsque l’ordre social existant aura disparu ? Par quelle organisation nouvelle sera-t-il remplacé ? Tant que nous ne le saurons pas, nous n’avancerons pas.

On dirait la déclaration d’un explorateur d’un pays inconnu, qui demanderait une description détaillée de la région qu’il voudrait parcourir.

Si l’avenir d’un individu isolé, lors de son passage d’un âge à un autre, lui était parfaitement connu, il n’aurait plus de raison de vivre, de même pour l’humanité : si elle avait le programme de la vie qui l’attend lors de son entrée dans un âge nouveau, ce serait le plus sûr indice qu’elle ne vit pas, ne se meut pas, mais piétine sur place.

Les conditions du nouvel ordre de choses ne peuvent pas nous être connues, parce qu’elles doivent être créées justement par nous-mêmes. La vie est précisément dans la recherche de l’inconnu et dans la subordination de l’action aux connaissances nouvellement acquises.

C’est là la vie de chaque individu comme la vie de toute l’humanité.