Page:Tolstoï - Le salut est en vous.djvu/304

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digues, elles renversèrent les voitures et chassèrent les ouvriers.

Le propriétaire porta plainte contre les femmes. Le commissaire rural ordonna de mettre en prison une femme sur chaque ménage.

L’ordre n’était pas d’une exécution facile, parce que dans chaque maison il y avait plusieurs femmes et l’on ne pouvait savoir laquelle il fallait emprisonner, aussi la sentence ne fut-elle pas exécutée. Le propriétaire se plaignit de la négligence de la police au gouverneur, lequel, sans bien se rendre compte des choses, ordonna simplement de faire exécuter le jugement du commissaire rural.

Le commissaire du district vint dans le pays et commanda sévèrement à ses agents d’appréhender dans chaque maison n’importe quelle femme ; mais, ainsi que nous l’avons dit, comme il y a plusieurs femmes dans chaque maison, des discussions s’élevèrent ; le commissaire du district ordonna de n’en pas tenir compte, de saisir la première femme que l’on verrait et de l’emmener en prison.

Les paysans défendirent leurs femmes et leurs mères ; ils ne laissèrent point la police accomplir sa mission ; ils battirent les agents et le commissaire du district. Un nouveau crime s’ajouta donc à l’autre, la rébellion aux lois ; on donna connaissance de ce nouveau fait à la ville ; et voilà, comme à Smolensk, le gouverneur de la contrée, à la tête d’un bataillon de soldats armés de fusils et de verges, à grand renfort de télégraphe et de téléphone, montant en express, accompagné d’un docteur savant chargé de veiller à ce que l’on bâtonnât hygiéniquement, voilà, disons-nous, le gouverneur incarnant le Gengis Kan moderne prédit par Herzen, arrivé sur le lieu de l’exécution.