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Page:Tolstoï - Le salut est en vous.djvu/320

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y trouvent, sont capables de participer à de pareils actes parce que leur participation est limitée à l’instigation, aux décisions, aux ordres. Le plus souvent ils ne voient même pas comment se commettent toutes les atrocités provoquées ou ordonnées par eux. Mais les malheureux des classes inférieures, qui, sans le moindre profit — au contraire ils sont méprisés — arrachent de leurs propres mains des hommes à leurs familles, qui les garrottent, les emprisonnent, les déportent, les gardent, les fusillent, pourquoi le font-ils ?

Toute violence, c’est grâce à eux qu’on peut la commettre. Sans eux, aucun de ces hommes qui signent des arrêts de mort, d’emprisonnement et de bagne perpétuel, ne se serait jamais décidé à pendre, à emprisonner, à martyriser lui-même la millième partie de ceux que, de son cabinet, il a si tranquillement fait pendre et martyriser, uniquement parce qu’il ne le voit pas, qu’il ne le fait pas lui-même, mais qu’il le fait faire au loin par ses exécuteurs dociles.

Toutes ces injustices et cruautés ne sont devenues habituelles que parce qu’il existe des gens toujours prêts à les commettre servilement, car s’ils n’existaient pas, ceux qui donnent les ordres n’auraient jamais osé même rêver ce qu’ils ordonnent avec une si grande assurance, et personne n’oserait affirmer, comme aujourd’hui tous les propriétaires oisifs, que la terre qui entoure les paysans misérables est la propriété d’un homme qui ne la travaille pas, et que les réserves de blé escroquées aux cultivateurs doivent être gardées intactes au milieu d’une population affamée, parce que les négociants doivent y trouver un bénéfice.

Si ces exécuteurs n’existaient pas, il ne serait jamais venu au propriétaire l’idée de prendre aux moujiks la forêt qu’ils ont soignée, ni aux fonctionnaires celle de