Page:Tolstoï - Le salut est en vous.djvu/324

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dit que la violence, la torture, l’emprisonnement et les exécutions, de même que le meurtre pendant la guerre civile ou étrangère, qui a pour but de maintenir et défendre l’organisation sociale existante quelle qu’elle soit — monarchie absolue ou constitutionnelle, convention, consulat, empire, république ou commune — est absolument légitime et ne contredit ni la morale ni le christianisme.

Et les hommes se persuadent si bien de cela qu’ils grandissent, vivent et meurent dans cette conviction sans douter un seul instant.

Ceci est le mensonge universel, mais il y a encore le mensonge particulier aux soldats ou aux policiers qui commettent les cruautés ou les meurtres nécessaires au maintien de l’ordre de choses actuel.

Dans tous les codes militaires, il est dit, en tels ou tels termes, ce qu’on lit dans le code militaire russe :

§ 87. Accomplir rigoureusement et sans observation les ordres des chefs, cela veut dire les accomplir sans discuter s’ils sont bons ou mauvais et si leur exécution est possible. Seul le chef est responsable des conséquences de son ordre.

§ 88. Le subordonné ne doit désobéir à l’ordre du chef que dans le cas où il voit nettement qu’en obéissant il viole… (vous pensez qu’on va dire dans le cas où il viole la loi de Dieu : pas du tout), lorsqu’il voit nettement qu’il viole le serment de fidélité au souverain.

Il est dit dans ce code que l’homme, lorsqu’il est soldat, peut et doit accomplir sans exception tous les ordres du chef ; or, ces ordres consistant surtout en homicides, il doit par conséquent violer toutes les lois divines et humaines, mais il ne doit pas violer son serment de fidélité à celui qui, à un moment donné, se trouve par hasard au pouvoir. Et il ne peut en être autrement