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Page:Tolstoï - Le salut est en vous.djvu/368

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l’intime sentiment, et cependant il semble ne pas pouvoir changer sa position et cesser d’agir contrairement à sa conscience.

Et, comme cela arrive en rêve, sa situation devenant de plus en plus douloureuse, il en vient à douter de la réalité de ce qu’il voit et fait un effort moral pour se débarrasser de l’obsession qui le hante.

C’est dans la même situation que se trouve l’homme ordinaire de notre monde chrétien. Il sent que tout ce qu’il fait lui-même et tout ce qui se fait autour de lui est absurde, infâme, intolérable et contraire à sa conscience ; il sent que cette situation devient de plus en plus douloureuse et qu’elle est arrivée à son paroxysme.

Il est impossible que nous, hommes modernes, avec la conscience chrétienne de la dignité humaine et de l’égalité qui nous a déjà pénétrés corps et âmes, avec le besoin que nous avons de communion pacifique, d’union entre les peuples, nous puissions vivre de façon que chacune de nos joies ou de nos satisfactions soit achetée au prix de la souffrance et de la vie de nos frères, et que, de plus, nous soyons toujours, comme des bêtes fauves, sur le point de nous livrer une lutte acharnée, homme contre homme, peuple contre peuple, en détruisant sans pitié les biens et les hommes, simplement parce qu’un diplomate étourdi ou un chef d’état dira ou écrira quelque bêtise à un autre diplomate ou à un autre chef d’état.

C’est impossible. Et cependant tout homme de notre temps assiste à ce spectacle et s’attend à la catastrophe.

Et la situation devient de plus en plus douloureuse.

Et comme l’homme qui rêve ne croit pas que ce qu’il voit soit la réalité et veut se réveiller pour retourner à la vie véritable, de même l’homme moyen de notre époque ne peut pas croire au fond que la situation ter-