Page:Tolstoï - Le salut est en vous.djvu/371

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

ses actes, dans la reconnaissance ou la non-reconnaissance de la vérité.

Ainsi l’homme ayant accompli, sous l’influence de la passion, un acte contraire à la vérité dont il a conscience, reste quand même libre de la reconnaître ou non, c’est-à-dire qu’il peut, en ne reconnaissant pas la vérité, considérer son acte comme nécessaire et le justifier, et qu’il peut, en reconnaissant la vérité, considérer son acte comme mauvais et en avoir du remords.

Ainsi un joueur ou un ivrogne qui n’a pas pu dominer sa passion demeure quand même libre de reconnaître le jeu ou l’ivrognerie soit comme un mal, soit comme un amusement sans conséquence. Dans le premier cas, si même il ne renonce pas tout de suite à sa passion, il s’en affranchit d’autant plus qu’il reconnaît sincèrement qu’elle est funeste ; dans le second cas, sa passion augmente et il n’a plus aucune possibilité de s’en affranchir.

De même l’homme qui n’a pas eu la force de braver un incendie pour en sauver un autre et qui a fui seul de la maison en flammes, demeure libre, en reconnaissant cette vérité que l’homme doit, au péril de sa vie, secourir son semblable, de considérer son acte comme mauvais et de se le reprocher, ou bien, en ne reconnaissant pas cette vérité, de considérer son acte comme naturel, nécessaire, et le justifier. Dans le premier cas, il se prépare pour l’avenir une série d’actes d’abnégation qui découlent nécessairement de la reconnaissance de la vérité ; dans le second, une série d’actes égoïstes.

Je ne dis pas que l’homme est toujours libre de reconnaître ou de ne pas reconnaître toute vérité. Il y a des vérités reconnues depuis longtemps et qui sont transmises par l’éducation, les traditions, qui sont tellement entrées dans l’esprit qu’elles sont devenues comme