Page:Tolstoï - Le salut est en vous.djvu/398

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chrétienne et de la pratiquer ; pour améliorer les conditions de la vie ils regardent comme suffisant de changer les conditions extérieures dans les limites permises par le pouvoir. — Sur cette théorie scientifique de l’hypocrisie, qui a remplacé l’hypocrisie religieuse, les classes riches basent la justification de leur situation. — Grâce à cette hypocrisie, employant la violence et le mensonge pour assurer leurs privilèges, les hommes des classes riches peuvent mutuellement se dire chrétiens et se tranquilliser. — La même hypocrisie permet aux hommes qui prêchent le christianisme de participer à un régime basé sur la violence. — Aucune amélioration extérieure de la vie ne la rendra pas moins misérable. La misère de cette vie provient de la désunion ; la désunion provient de ce qu’on suit le mensonge et non la vérité. — L’union n’est possible que dans la vérité. — L’hypocrisie empêche cette union, car les hommes se cachent à eux-mêmes et cachent aux autres la vérité qu’ils connaissent. — L’hypocrisie change en mal tout ce qui est destiné à améliorer l’existence. — L’hypocrisie dénature la notion du bien et du mal, c’est pourquoi elle est un obstacle à la perfectibilité des hommes. — Les malfaiteurs et les criminels déclarés font moins de mal aux hommes que ceux qui vivent par la violence légale dissimulée par l’hypocrisie. — Tous les hommes ont conscience de l’iniquité de notre vie et elle serait modifiée depuis longtemps si cette iniquité n’était pas dissimulée par l’hypocrisie. — Mais nous sommes arrivés — il le semble — à la limite extrême de l’hypocrisie et il suffirait d’un effort de conscience pour, comme l’homme dans un cauchemar, se réveiller à une autre réalité 342
5. — L’homme peut-il faire cet effort ? — D’après les théories hypocrites d’aujourd’hui, l’homme n’est pas libre de modifier sa vie. — L’homme n’est pas libre dans ses actes, mais il est libre dans la reconnaissance ou la négation de la vérité qui lui est déjà connue. — La vérité reconnue est la cause des actes. — Triple attitude de l’homme à l’égard de la vérité. — La cause de la prétendue insolubilité de la question de la liberté de l’homme. — La liberté de l’homme n’est que dans la reconnaissance de la vérité qui lui est dévoilée, il n’y a pas d’autre liberté. — La reconnaissance de la vérité donne la liberté et indique la voie que doit suivre l’homme volontairement ou involontairement. — La reconnaissance de la vérité et de la liberté réelle permet à l’homme de participer à l’œuvre de Dieu et d’être non pas l’esclave, mais le créateur de la vie. — Il suffirait aux hommes de renoncer aux soucis de l’amélioration des conditions extérieures de la vie et d’employer toute leur énergie à la reconnaissance et à la profession de la vérité qu’ils ont reconnue, pour que disparaisse aussitôt l’organisation sociale actuelle, si misérable, et que soit atteinte l’étape du règne de Dieu accessible aux hommes. — Il suffirait pour cela de cesser de mentir et de feindre. — Mais alors qu’est-ce qui nous attend dans l’avenir ? — Que deviendra l’humanité si elle se conforme aux indications de la conscience, et comment vivra-t-elle sans les conditions habituelles de la civilisation ? — L’anxiété de ces questions est écartée par cette raison que rien de vrai et de bon ne peut disparaître par la réalisation de la vérité, puisque la vérité ne fait disparaître que ce qui est faux 359
6. — Notre vie est arrivée aux dernières limites de la détresse et ne peut être améliorée par aucune organisation païenne. — Toute notre vie et toutes