Page:Tolstoï - Le salut est en vous.djvu/68

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plus en plus grande, par un amour de plus en plus ardent, et, en dehors de soi, dans la réalisation de plus en plus complète du royaume de Dieu.

Il est évident que cette doctrine apparue au milieu du monde juif et du monde païen n’a pu être acceptée par la majorité des hommes, habitués à une vie toute différente de celle qu’elle exigeait. De ceux même qui l’ont acceptée, elle ne pouvait être comprise dans son entière signification parce qu’elle était contraire à toutes les anciennes conceptions de la vie.

Ce n’est qu’après une série de malentendus, d’erreurs, d’explications bornées, rectifiées et complétées par plusieurs générations, que le principe du christianisme a paru aux hommes de plus en plus clairement. La conception évangélique a influé sur celles du judaïsme et du paganisme, et le paganisme et le judaïsme ont laissé leurs traces à leur tour dans le christianisme. Mais la conception chrétienne, plus vivante, pénétrait de plus en plus le judaïsme et le paganisme expirants, et apparaissait de plus en plus nette, se débarrassant des éléments mauvais qui s’y étaient mêlés. Les hommes comprenant de plus en plus le sens chrétien, le réalisaient de plus en plus dans la vie.

Plus l’humanité vieillissait, et plus elle voyait clair dans la doctrine du Christ ; il ne peut en être autrement, d’ailleurs, pour toute doctrine sociale.

Les générations successives corrigeaient les fautes des générations précédentes et s’approchaient de plus en plus du sens véritable de la doctrine. C’est ce qui s’est passé depuis les premiers temps du christianisme. Dès le début, avaient paru des hommes affirmant que leur manière d’expliquer la doctrine était la seule exacte, et le prouvant par des phénomènes surnaturels qui venaient confirmer la justesse de leur interprétation.