Page:Tolstoï - Le salut est en vous.djvu/82

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l’église et des hérésies), qu’il n’était pas un homme sincère et consciencieux d’une certaine influence qui, par jalousie ou pour toute autre cause, ne fût perdu par les partisans de l’église. »

C’est ainsi que, il y a près de deux siècles, on comprenait déjà la signification du mot hérésie, et cependant c’est la même opinion qui règne encore jusqu’à présent. D’ailleurs, cette opinion ne peut pas ne pas exister tant qu’existera l’église. L’hérésie est le revers de l’église. Là où existe l’église doit exister l’hérésie. L’église est une société d’hommes qui prétendent posséder la vérité absolue ; l’hérésie est l’opinion de ceux qui ne reconnaissent pas l’indiscutabilité de cette vérité.

L’hérésie est la manifestation du mouvement, une révolte contre l’inertie des principes de l’église, un essai de conception vivante de la doctrine. Tout pas en avant vers l’intelligence et la réalisation de la doctrine a été fait par des hérétiques : Tertullien et Origène, saint Augustin et Luther, Huss et Savonarole, Kheltchitsky et d’autres ont été des hérétiques. Cela ne pouvait pas être autrement.

Le disciple du Christ, dont la doctrine consiste dans la pénétration progressive de la pensée évangélique, dans son observance de plus en plus grande, dans la marche vers la perfection, ne peut pas, précisément parce qu’il est disciple du Christ, affirmer, pour son compte ou pour celui d’un autre, qu’il comprend complètement la doctrine du Christ et qu’il l’observe. Encore moins peut-il l’affirmer au nom de toute une assemblée.

À quelque degré d’entendement et de perfection qu’il soit parvenu, le disciple du Christ sent toujours l’insuffisance de son entendement et de son observance, et tend toujours vers une pénétration et une observance de plus en plus grandes. Voilà pourquoi l’affirmation