Page:Tolstoï - Ma religion.djvu/136

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

nouveau le spectacle de l’abondance ; de nouveau, on y afflue, — mêmes rixes, même tumulte, tout est dilapidé, et de nouveau ces gens harassés, battus et irrités, s’en vont haineux et maudissant le Maître pour avoir préparé mal et trop peu. Le Maitre bienfaisant ne se décourage pas ; il garnit encore la ferme de tout ce qu’il faut pour y vivre, les mêmes faits se reproduisent toujours.

Enfin, parmi ceux qui affluent à la ferme se trouve un sage qui dit aux autres : Camarades, que faisons-nous ? Voyez quelle abondance, comme tout est bien aménagé. Il y a ici suffisamment pour nous tous et pour ceux qui viendront après nous ; seulement faisons les choses avec bon sens. Ne nous arrachons pas ces richesses, mais prêtons-nous mutuellement secours. Labourons, semons, soignons le bétail et tout le monde sera satisfait. Quelques-uns comprirent ce que disait le sage ; ils cessèrent de se battre, de s’arracher les choses par la violence et se mirent à travailler. Mais d’autres, qui n’avaient pas pu entendre les paroles du sage ou qui s’en méfiaient, continuèrent à se comporter comme auparavant et partirent après avoir gaspillé le bien du Maître. Cet état de choses dura quelque temps. Ceux qui avaient suivi les conseils du sage continuaient à répéter : Ne vous battez pas, ne gaspillez pas le bien du Maître, vous ne vous en trouverez que mieux. Suivez les conseils du sage : Néanmoins une masse de gens n’écoutaient pas, ne croyaient pas et longtemps les affaires marchèrent comme par le passé.

Tout cela est naturel et il devait en être ainsi tant que les gens ne croyaient pas à ce que disait le sage. Mais, dit-on, il arriva un temps où tout le monde dans la