Page:Tolstoï - Ma religion.djvu/184

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complètement étrangère pourtant non seulement à l’esprit du christianisme, mais même au judaïsme. C’est contre cette erreur qu’a été écrite, longtemps encore avant Jésus, cette histoire charmante et d’une sagesse profonde du prophète Jonas, que Jésus aimait tant à citer. L’idée de la narration est la même depuis le commencement jusqu’à la fin : Jonas, le prophète, veut rester seul juste et vertueux et il s’éloigne des hommes pervers. Mais Dieu lui signifie qu’en sa qualité de prophète il doit communiquer aux hommes égarés sa connaissance de la vérité, c’est pourquoi il doit non pas fuir ces hommes, mais vivre en communion avec eux. Jonas est dégoûté de la dépravation des habitants de Ninive et les fuit, mais Jonas a beau fuir sa vocation, Dieu le ramène par l’entremise de la baleine, chez les Ninivites et la volonté de Dieu s’accomplit, c’est-à-dire que les Ninivites reçoivent par Jonas la loi de Dieu, — et leur vie s’améliore. Non seulement Jonas ne se réjouit pas d’être l’instrument de la volonté de Dieu, mais il boude, il jalouse Dieu à l’égard des Ninivites, il aurait voulu être seul raisonnable et bon. Il s’éloigne dans le désert, s’apitoie sur son sort et adresse des reproches à Dieu. Et alors Jonas voit pousser en une nuit une plante de citrouille qui le garantit du soleil, et la nuit suivante un ver ronge cette plante. Jonas adresse des reproches encore plus amers à Dieu parce que la citrouille qui lui était si chère a péri. Alors Dieu lui dit : Tu regrettes la citrouille que tu appelles tienne, elle a poussé et péri en une nuit, et moi n’aurais-je pas pitié d’un immense peuple qui périssait en vivant comme les bêtes, sans savoir distinguer sa droite de sa gauche ? Ta connaissance de la vérité n’était nécessaire que