Page:Tolstoï - Ma religion.djvu/214

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ment, et, quand le cercle fut fermé, les premiers qui n’avaient pas mangé eurent encore assez. Tout le monde fut ainsi rassasié, et il resta beaucoup de morceaux, assez pour remplir douze paniers.

Jésus enseigne aux hommes à agir dans la vie selon la raison et la conscience ; car c’est la loi de l’être raisonnable pris séparément, comme celle de toute l’humanité.

Le travail est la condition inévitable de la vie des hommes ; le travail est la source du vrai bien pour l’humanité. C’est pourquoi il est contraire au vrai bien de ne vouloir partager avec personne le fruit de son travail. L’abandon du fruit de son travail aux autres contribue au bien de tous les hommes.

Si les hommes ne s’arrachent pas la nourriture les uns aux autres, ils mourront de faim, — me rétorque-t-on. Il me semble qu’il serait plus juste de dire le contraire : si les hommes s’entr’arrachent leur subsistance, il y aura des hommes qui mourront de faim, — comme c’est le cas en effet.

Chaque homme, qu’il vive selon la doctrine de Jésus ou selon la doctrine du monde, n’a la vie sauve que grâce aux soins d’autres hommes. Depuis sa naissance, l’homme est soigné, surveillé et nourri par les autres ; mais, selon la doctrine du monde, l’homme a le droit d’exiger que d’autres continuent à le nourrir, lui et sa famille. Selon la doctrine de Jésus, l’homme, dès sa naissance, est également soigné, nourri, allaité par d’autres ; mais, pour que ces autres continuent à le soigner et le nourrir, il tâche lui-même de servir les autres, de se rendre aussi utile que possible et par là indispensable à tout le monde. Les hommes qui suivent la doc-