Page:Tolstoï - Ma religion.djvu/25

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Je n’avais pas encore pensé à ce qui me paraît clair maintenant, que c’eût été bien plus simple d’organiser la vie selon la loi de Jésus et de demander ensuite dans nos prières des tribunaux, des massacres et des guerres, si tout cela était indispensable à notre bonheur.

Je compris alors ce qui avait fait naître mon erreur. Elle provenait de ce que je confessais Jésus en parole et que je le reniais en fait.

La proposition : « Ne résistez pas au méchant » est le centre de la doctrine ; seulement elle n’est pas une simple sentence, mais une règle dont la pratique est obligatoire.

Elle est véritablement la clef qui ouvre tout, mais à condition que la clef sera poussée jusqu’au fond de la serrure.

Reconnaître cette proposition comme une sentence impossible à pratiquer sans secours surnaturel, c’est supprimer toute la doctrine.

Comment ne paraîtrait-elle pas impossible, cette doctrine dont on a supprimé la base, la proposition qui cimente le tout ? Les incrédules la trouvent tout bonnement absurde et elle doit leur sembler telle.

Installer une machine à vapeur, chauffer la chaudière, la faire marcher et ne pas réunir la courroie de transmission à la machine, c’est exactement ce qu’on a fait avec la doctrine de Jésus, en enseignant qu’on peut être chrétien sans observer le commandement : « Ne résistez pas au méchant. »

Il y a quelque temps, je lisais avec un rabbin juif le chap. v de Matthieu, en hébreu. Presque à chaque verset le rabbin disait : ceci se trouve dans la Bible, ceci dans le Talmud, et il m’indiquait dans la Bible et dans