Page:Tolstoï - Ma religion.djvu/70

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ce qui regarde le royaume des cieux (la vérité) est semblable à un père de famille, qui tire de son trésor (indistinctement) des choses nouvelles et anciennes. »

L’Église comprend exactement ces paroles, comme les avait aussi comprises saint Irénée ; mais, en même temps, elle leur attribue tout à fait arbitrairement et en faisant violence au vrai sens la signification que tout l’ancien est sacré. Le sens limpide est celui-ci : quiconque cherche le bien, ne prend pas seulement le nouveau, mais l’ancien, et parce qu’une chose est ancienne on ne doit pas la rejeter. Par ces paroles, Jésus entend qu’il ne renie pas ce qu’il y a d’éternel dans l’ancienne loi. Mais, quand on lui parle de toute la loi, ou bien des formalités exigées par cette loi, — il dit : qu’on ne peut pas verser du vin nouveau dans de vieilles outres. Jésus ne pouvait pas affirmer toute la loi, mais il ne pouvait pas non plus renier toute la loi et les prophètes ; cette loi, dans laquelle il est dit : aime le prochain comme toi-même, — et ces prophètes dont les paroles lui servaient souvent à exprimer sa pensée.

Eh bien ; au lieu de cette explication, claire et simple, des paroles de Jésus, on nous offre une explication embrouillée qui introduit des contradictions là où il n’y en a pas, réduisant ainsi à rien le sens de la doctrine de Jésus et rétablissant de fait la doctrine de Moïse dans toute sa sauvage cruauté.

Selon tous les commentaires de l’Église, surtout depuis le ve siècle, Jésus n’a pas aboli la loi écrite, il l’a affirmée. Mais comment l’a-t-il fait ? Comment la loi de Jésus peut-elle être une avec la loi de Moïse ? À cela point de réponse. Tous les commentaires font usage d’un jeu de mots pour dire que Jésus a accompli la loi de Moïse en