Page:Tolstoï - Quelle est ma vie ?.djvu/77

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autres femmes. Elles voient que leur position dans la société, quoiqu’on les injurie toujours, est reconnue, et par les femmes, et par les hommes, et par les autorités. C’est pourquoi elles ne peuvent comprendre de quoi elles doivent se repentir et se corriger. Pendant une tournée, l’étudiant me raconta que, dans un logement, il y avait une femme faisant commerce de sa fille, agée de treize ans. Désirant sauver l’enfant, j’allai chez cette femme. La mère et la fille vivaient dans une grande misère. La mère, petite, brune, agée d’environ quarante ans, était une prostituée, laide de figure et méme désagréablement laide. La fille n’était pas belle, non plus. À toutes mes questions détournées touchant leur vie, la mère répondit avec défiance, d’un ton hostile et bref, devinant évidemment en moi un ennemi venu là dans une mauvaise intention. La fille ne répondait rien, ne regardant même pas sa mère ; il était évident qu’elle se fiait entièrement à sa mère. Elles n’excitaient pas en moi de la pitié, mais plutôt de l’aversion. Je résolus pourtant de sauver la fille, en inspirant de l’intérêt aux dames qui témoignaient quelque sympathie à la triste position de ces femmes et en les en-