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CHAPITRE XIV


I


Nekhludov était déjà depuis longtemps dans la prison.

Arrivé de très bonne heure, il avait montré au factionnaire, puis à un gardien, l’autorisation du procureur.

— Impossible en ce moment ! — déclara le gardien, — le directeur est occupé.

— Au bureau ? — demanda Nekhludov.

— Non, ici, au parloir ! — répondit le gardien avec un certain embarras.

— Est-ce que c’est jour de visite ?

— Oh ! non, c’est pour une autre affaire !

— Et comment ferai-je pour voir le directeur ?

— Vous n’avez qu’à l’attendre ici. Tout à l’heure, quand il passera, vous le verrez !

Quelques minutes après, Nekhludov vit entrer, dans la salle où il se trouvait, un jeune sous-officier aux galons étincelants, tout fringant et la moustache relevée, qui, en l’apercevant, se tourna sévèrement vers le gardien.

— Pourquoi avez-vous laissé entrer du monde ici ? Il fallait envoyer au bureau.

— On m’a dit que le directeur allait passer par ici : j’ai à lui parler ! — dit Nekhludov, surpris de découvrir sur le visage du sous-officier la même expression embarrassée qui l’avait frappé déjà chez le gardien.

À cet instant, la porte par laquelle était entré le sous-officier s’ouvrit de nouveau, et un gardien entra, un colosse, tout échauffé, le visage en sueur. C’était le fameux Petrov.

— Il se la rappellera, celle-là ! — déclara-t-il en s’adressant au sous-officier.