Mais celui-ci lui fit remarquer, d’un signe de tête, la présence d’un étranger, et Petrov, sans ajouter un mot, sortit par une autre porte.
« Qui est-ce qui va se rappeler quelque chose ? Et pourquoi ont-ils tous l’air si gêné ? » se demandait Nekhludov.
— On n’attend pas ici ! Veuillez aller au bureau ! — lui dit le sous-officier.
Et déjà Nekhludov se préparait à sortir, lorsqu’il vit entrer, par la même porte que les deux autres, le directeur de la prison. Celui-là semblait plus gêné encore que ses subordonnés. Il avait le visage décomposé d’émotion.
Nekhludov l’aborda, lui montra le permis du procureur.
— Fédotov ! — cria aussitôt le directeur à un des gardiens, — allez tout de suite chercher la Maslova, cinquième salle des femmes ! Qu’on la conduise au parloir des avocats !
Puis se tournant vers Nekhludov :
— Voulez-vous me permettre de vous accompagner ?
Ils montèrent un escalier tournant, et pénétrèrent dans une petite pièce meublée d’une table et de quelques chaises.
Le directeur s’assit.
— Quel dur métier ! quel dur métier ! — dit-il, avec un soupir, pendant qu’il tirait de son étui une grosse cigarette.
— Vous paraissez fatigué ? — demanda Nekhludov.
— Je suis fatigué de tout mon service. Ce sont, vraiment, des obligations trop dures ! On voudrait adoucir le sort de ces misérables, et tout ce qu’on fait tourne à plus mal encore. Si, du moins, je voyais un moyen de m’en aller d’ici ! Dur, dur métier !
Nekhludov ignorait en quoi consistaient les difficultés de la tâche du directeur ; mais, sans le connaître, il crut sentir en lui, ce jour-là, une souffrance exceptionnelle, une disposition particulièrement triste et découragée.
— Oui, je n’ai pas de peine à croire que c’est un dur métier, — lui dit-il. — Mais, s’il vous met dans un tel état, pourquoi n’y renoncez-vous pas ?