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RÉSURRECTION

Ouvrant une porte qui donnait sur le corridor, la mère de la Choustova fit entrer Nekhludov dans une petite chambre où, devant une table, était assise sur un divan une jeune fille courte et trapue, vêtue d’une veste d’indienne rayée, avec des cheveux blonds légèrement bouclés qui entouraient un visage rond, d’une pâleur extrême. En face d’elle était assis un jeune homme à la moustache naissante, vêtu d’une blouse russe aux rebords brodés. Le jeune homme, plié en deux sur sa chaise, parlait avec tant d’animation que ni lui ni la jeune fille ne s’aperçurent d’abord de l’arrivée de Nekhludov.

— Lydie ! C’est le prince Nekhludov, qui a daigné…

La pâle jeune fille eut un tressaillement nerveux. Rejetant derrière son oreille, d’un geste machinal, une boucle de ses cheveux blonds, craintivement elle fixa ses yeux gris sur le nouveau venu.

— Enfin vous voici libre ! — dit Nekhludov, en lui souriant et en lui tendant la main.

— Oui, enfin ! — répondit la jeune fille. Et, découvrant toute une rangée de dents blanches, sa bouche s’ouvrit en un bon sourire d’enfant. — C’est ma tante qui a désiré vous voir. Petite tante ! — s’écria-t-elle en se tournant vers une porte.

— Vera Efremovna a été bien tourmentée de votre arrestation ! — dit Nekhludov.

— Ici, asseyez-vous plutôt ici ! — interrompit Lydie, en désignant du doigt la chaise de paille d’où venait de se lever le jeune homme. Mon frère ! — ajouta-t-elle, en réponse au regard jeté par Nekhludov sur son compagnon.

Celui-ci serra la main du nouveau venu avec le même bon sourire qui avait éclairé le visage de sa sœur ; puis il s’assit près de la fenêtre, où vint le rejoindre un collégien de quinze ou seize ans.

— Vera Efremovna est très amie avec ma tante ; mais moi, je ne la connais presque pas ! — dit la jeune fille.

En cet instant sortit de la chambre voisine une femme d’une quarantaine d’années, au visage agréable et intelligent.

— Comme vous êtes bon d’être venu ! — s’écria-t-elle