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Résurrection





TROISIÈME PARTIE


CHAPITRE I


Le convoi de prisonniers dont faisait partie la Maslova avait traversé plus de cinq mille verstes. Jusqu’à Perm, le convoi avait voyagé en chemin de fer et en bateau à vapeur ; et la Maslova était restée en compagnie des criminels de droit commun. Mais, à Perm, Nekhludov avait pu obtenir qu’elle fût admise dans la section des condamnés politiques. L’idée de ce transfert lui avait été suggérée par Véra Bogodouchovska, qui faisait partie du même convoi.

Le voyage, jusqu’à Perm, avait été très pénible pour la Maslova, aussi bien au point de vue physique qu’au point de vue moral. Physiquement, elle avait eu à souffrir du manque d’air, de la saleté, de la puanteur, et de la persécution que lui avaient fait subir toute sorte de répugnants insectes, acharnés contre elle ; moralement, elle avait souffert, peut-être plus encore, de la persécution que lui avaient fait subir des hommes non moins répugnants que ces insectes, et non moins acharnés contre elle. À toutes les étapes, elle avait eu à repousser d’ignobles instances qui ne lui avaient pas laissé un moment de repos, et dont le souvenir maintenant lui soulevait le cœur. Entre les prisonniers et les prisonnières, et les gardiens du convoi, et même les chefs, s’étaient établies, suivant l’usage, des relations d’un