Au même instant on entendit, dans la salle voisine, des coups frappés sur le mur, des bruits de chaînes, des cris et des hurlements. On battait quelqu’un, qui appelait au secours.
— Les entendez-vous, ces bêtes féroces ? Quel rapport voudriez-vous qu’il y eût entre elles et nous ? — dit tranquillement Novodvorov.
— Des bêtes féroces, dis-tu ? — Or, voici justement que Nekhludov vient de me raconter ce qu’a fait un de ces hommes !
Et Kriltzov, d’un ton irrite, répéta le récit de Nekhludov, disant comment le forçat Macaire avait risqué sa vie pour sauver un de ses compagnons.
— Est-ce là le fait d’une bête féroce ? — demanda-t-il ?
— Sentimentalité ! — fit Novodvorov avec son sourire ironique. — Comme si nous pouvions comprendre les pensées de ces gens-là et les motifs de leurs actes ! Ce que tu prends pour de l’héroïsme, c’est peut-être simplement de la haine pour un autre forçat !
— Et toi, jamais tu ne veux voir rien de bien chez les autres ! — s’écria Marie Pavlovna, qui tutoyait tous ses compagnons.
— Pourquoi verrais-je ce qui n’existe pas ?
— Comment ne pas admirer un homme qui s’expose volontairement à une mort affreuse ?
— J’estime, — déclara sèchement Novodvorov, — que, si nous voulons accomplir notre œuvre, la première condition doit être de ne pas rêver et de voir toujours les choses comme elles sont.
Markel, fermant le livre qu’il lisait sous la lampe, s’était rapproché, lui aussi, et recueillait pieusement toutes les paroles de l’homme qu’il avait pris pour son maître. Et Novodvorov poursuivait, d’un ton résolu et solennel, comme s’il faisait une conférence.
— Notre devoir, — disait-il, — est de tout faire pour le peuple, mais de ne rien attendre de lui. Le peuple doit être l’objet de nos efforts, mais il ne saurait collaborer avec nous, aussi longtemps du moins qu’il restera