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CHAPITRE XV


Malgré la considération qu’avaient pour Novodvorov tous ses compagnons, malgré toute sa science et la haute opinion qu’il avait de lui-même, Nekhludov le regardait précisément comme le type de ces révolutionnaires qui, étant naturellement au-dessous du niveau moyen, ne pouvaient que perdre à se trouver dans le milieu où ils se trouvaient. Il reconnaissait que, au point de vue intellectuel, Novodvorov était bien mieux doué que la moyenne des révolutionnaires ; mais il sentait que sa vanité et son égoïsme, devenus excessifs sous l’effet des circonstances de sa vie, avaient depuis longtemps stérilisé son intelligence.

Toute l’activité révolutionnaire de Novodvorov, — et bien que celui-ci sût toujours la justifier éloquemment, en lui prêtant les motifs les plus admirables, — apparaissait à Nekhludov comme uniquement fondée sur l’ambition, le désir de dominer et de se faire valoir. Doué d’une aptitude extraordinaire à s’assimiler et à exprimer clairement les idées d’autrui, Novodvorov, d’abord, s’était sans peine imposé à l’admiration de tous, dans les milieux où cette aptitude est particulièrement appréciée. Au collège, puis à l’université, ses maîtres et ses condisciples avaient rendu hommage à sa supériorité ; et il s’était senti parfaitement satisfait. Mais quand, ses études achevées, cette situation avait pris fin, il n’avait pu se résigner à y renoncer ; et c’est pour dominer de nouveau,