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CHAPITRE XVIII


Rentrant dans la grande salle, après son entretien avec Katucha, Nekhludov trouva tout le monde en émoi. Nabatov, qui allait partout, observait tout, s’informait de tout, venait de faire une découverte extrêmement intéressante pour ses compagnons. Il avait découvert, sur un mur, une inscription provenant du révolutionnaire Petline, qui avait été condamné, deux ans auparavant, aux travaux forcés à perpétuité. On croyait que ce Petline était déjà depuis longtemps en Sibérie ; et voici que l’inscription laissée par lui sur le mur prouvait qu’il avait fait partie d’un convoi tout récent.

L’inscription était rédigée ainsi :

« Je suis passé par ici le 17 août 18…, avec un convoi de condamnés de droit commun. Nevierov devait partir avec moi ; mais il s’est pendu à Kasan, dans un accès de folie. Moi, je vais bien, de corps et d’esprit, et suis plein d’espoir dans l’avenir de notre cause. — Petline. »

On échangeait des conjectures sur les motifs du retard apporté au départ de Petline, et surtout sur les motifs du suicide de Nevierov. Seul Kriltzov se taisait, avec une mine recueillie, fixant dans le vide, devant lui, ses yeux enfiévrés.

— Mon mari m’a dit que déjà, dans la forteresse, Nevierov commençait à voir des fantômes ! — dit la Rantzeva.

— Oui, un poète, un fantaisiste ! Ces gens-là ne supportent pas le régime de la solitude ! — déclara Novodvorov