Page:Tolstoï - Religion et morale.djvu/23

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l’univers, la vie trouve son sens non plus dans la personne isolée, mais dans une certaine association de personnes, famille, tribu, peuple ou État, dont le bien est alors considéré comme le but de l’existence. Telle est la source de toutes les religions patriarcales et sociales que rapproche ce caractère commun ; telle est la source, par exemple, de la religion chinoise, de la religion japonaise, de celle des Hébreux, « le Peuple Élu », de la religion d’État des Romains, de notre propre église d’État (descendue, en fait, à ce niveau dégradant, — grâce à la doctrine d’Augustin, — quoiqu’on la désigne encore d’un nom qui n’est pas le sien, du nom de chrétienne) ; et c’est aussi la source de la religion de l’humanité, rêvée par les positivistes.

C’est sur cette conception du rapport de l’homme et de l’univers que sont fondés aussi, en Chine et au Japon, tous les rites du culte des ancêtres ; à Rome, le culte rendu aux empereurs ; chez les juifs, les cérémonies d’un culte compliqué dont le but était l’observation du pacte liant le Peuple Élu à son Dieu ; ainsi que toutes les prières, prières privées ou prières publiques, dites par le clergé chrétien, pour la prospérité et les succès militaires de l’État.

La troisième conception de ce rapport, la conception chrétienne — celle à laquelle malgré lui tout homme âgé se sent appartenir et à laquelle, dans mon opinion, l’humanité arrive de nos jours — con-