Page:Tolstoï - Scenes de la vie russe.djvu/137

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à table. Elle alla chercher du lait, des petits piroggis, de la bouillie de miel, plaça le tout sur la table.

Tarassitsch la remercia de tout cœur de l’accueil fait au pèlerin.

Mais la femme secoua la tête en se défendant.

— Nous ne pourrions faire autrement, dit-elle, que d’accueillir amicalement les pèlerins. C’est d’un pèlerin que nous avons appris à connaître la vraie vie. Nous passions nos jours dans l’oubli de Dieu, et abîmés dans le péché. Alors Dieu nous punit si durement que nous n’attendions que la mort. Nous étions tombés dans une telle misère que nous n’avions plus une miette de pain à manger, et que nous étions étendus là, râlant sur la terre, attendant la mort. Dieu nous envoya un sauveur, un aimable vieillard comme toi, et qui te ressemblait. Il était midi. Il entra, demanda un peu d’eau, et quand il vit notre détresse, il eut si grande pitié de nous qu’il ne put repartir.

Il nous donna à boire et à manger, il nous réconforta, il retira notre bien des griffes du Juif, il acheta une voiture, un cheval, et il partit sans